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Transition numérique

Réalité... pas si virtuelle dans l'industrie navale

Euronaval a réuni les acteurs internationaux de la construction navale et de l'armement et attiré les Marines du monde entier à Paris Le Bourget du 17 au 21 octobre derniers. Dans l'industrie navale de Défense, comme dans la plupart des secteurs de l'économie aujourd'hui, la transition numérique est une préoccupation majeure. La question sera aussi débattue à La Rochelle lors des Assises de la mer.

Salon digital et naval
La révolution numérique est en marche dans le secteur. En témoigne le programme des conférences traitant de "Cybersécurité en milieu maritime" de "Conduire la transformation numérique avec des stratégiques... Un prix « Digital et Numérique- Simulation réalité virtuelle et augmentée » a ainsi été décerné par le GICAN dans le cadre des trophées Euronaval de l'innovation. L'évènement lui-même a développé sa propre application mobile. La Défense est à priori un secteur où l'on cultive le secret, mais en matière de communication les industriels ont largement dépassé le cap du simple site Internet. Ils sont visibles sur les réseaux sociaux et s'adaptent à l'ère du numérique. Chaine YouTube, comptes Instagram, Twitter, Facebook ... la plupart d'entre-eux sont à la page. 


Imagerie 3D, commandes à distance ; reconnaissance optique ; réalité virtuelle et augmentée ; collecte et transmission des données ; outils collaboratifs ... dans les stands, les solutions proposées témoignent de cette (R)évolution. On y découvre par exemple des "Application de coaching individuel pour la sécurité des plongeurs" ; des solutions de transfert de technologie numérique appliquée à la mécanique des fluides ; des drones sous-marins alliant acoustique et robotique et capables de réaliser des missions collaboratives ; une multitude de logiciels de supervision pour tous types d'application ; des logiciels de réalité virtuelle... 

Vers de nouveaux services dans l'industrie navale
A Euronaval, DCNS a dévoilé BELH@RRA, sa "frégate numérique de nouvelle génération" intégrant le must en matière de technologie numérique pour lui conférer " une plus grande performance dans le traitement de l'information et la détection des menaces tout en permettant à l'équipage de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée". DCNS voit dans le développement des technologies numériques, la garantie de pouvoir faire évoluer les navires avec ses missions. De leur côté, OCEA, DCI et ECA ont dévoilé "une solution commune de chasse aux mines " intégrant digitalisation, robotique, formation à distance... Les commerciaux des chantiers navals présentent leurs dernières réalisations et naviguent virtuellement à bord de leurs navires 3D sur des tablettes tactiles... d'autres pensent déjà à développer de nouveaux services grâce à l'opportunité que représente le numérique en matière de collecte et de partage de l'information.

La plupart des cabinets d'ingénierie et bureaux d'études navales utilisent désormais des logiciels et outils de virtualisation pour améliorer leurs services. Ils sont plusieurs à utiliser, par exemple, la solution Vis-On développée par SBS Interactive. Initialement développé en partenariat avec DCNS, ce logiciel de "virtualisation enrichie du réel" est aussi utilisé par DCI (Défense Conseil International) pour ses programmes de formation. Pour Wics Naval, spécialisé dans la gestion des risques, la numérisation de la documentation technique utilisée sur les chantiers apporte un gain considérable en efficacité et en productivité. Le bureau d'ingénierie documentaire Amplexor propose à ses clients une gestion complète de la documentation technique intégrée à un logiciel de virtualisation des navires. LGM, spécialisée dans le MCO des navires, utilise la virtualisation avant tout comme un outil marketing qui a aussi vocation à former les collaborateurs de l'entreprise. 

Vers une société de service du navire virtuel
Pascal Lemesle du bureau d'études Mauric souhaiterait aller plus loin dans la transition numérique et le développement d'outils collaboratifs. Selon lui, "dans le secteur de la petite et moyenne construction navale elle doit permettre de définir des standards où chacun participe à la mise au point de maquettes numériques. et travaille collectivement sur les moyens à mettre en œuvre, sur la création de bases de données et la façon de les enrichir." L'architecte milite pour "la création d'un portail numérique réunissant l'ensemble de la profession. Il pourrait même prendre la forme d'une société de services où chacun des actionnaires contribue à mettre en place des modèles numériques d'équipements, de segments de navires, intégrant des données techniques et économiques. Cette communauté avec une masse critique permettrait non seulement de gagner du temps mais d'arriver à capter des informations numériques 3D que les structures prises isolément ne pourraient pas se payer. Les maquettes numériques 3D telles que celles présentées à Euronaval sont la première étape. Ensuite, il faudra entretenir ces modélisations et mettre à jour les données technico-économiques de façon presque automatique, ce qui nécessite la mise en place de services au travers d'une structure d'accueil, des services payants, financés pourquoi pas par les fournisseurs qui pourront eux-mêmes en bénéficier. "

Les chantiers et équipementiers souvent en situation de concurrence sont-ils prêts à passer ce cap de travail collaboratif pour un développement industriel ? Pour l'architecte, "Les gros chantiers ont les moyens de le faire seuls, mais ce serait une erreur de ne pas collaborer à la mise en commun d'un catalogue de données intelligent qui servent à la communauté. L'enjeu est à l'export. Je suis persuadé que des chantiers européens qui ont pignon sur rue vont y venir. Ce n'est pas de la mise en concurrence ; Nous devons être capables de trouver des moyens de collaborer ensemble, sur un domaine purement technique. C'est une première proposition où chacun peut jouer un rôle important. A 5 ou 10 partenaires ont peut y arriver. Le navire numérique doit nous permettre de gagner en temps, en coût en échange d'informations qui évoluent en permanence. Le problème de la donnée numérique, c'est le maintien de sa conformité " 

Le virtuel au service de la compétitivité
Outil marketing et de communication, c'est ainsi que Bretagne Pôle Naval use de la réalité virtuelle et de la numérisation 3D. Le cluster industriel naval breton avait présenté au salon Euronaval 2014 sa "maquette numérique New Hybrid Boat". La maquette 3D représente un navire virtuel « générique » composé des grandes familles de produits réalisés par les entreprises : les navires militaires, à passagers, de pêche, de travail et de recherche. Chaque domaine d’activité y est illustré par des vues réelles à 360°. Le cluster a ensuite décliné l'outil pour y présenter les infrastructures portuaires bretonnes.

A Euronaval 2017, BPN a présenté deux nouveaux outils développés en partenariat avec le CINQ "Centre Interentreprises Numérique de Quimper" : le système de réalité virtuelle "ETABLYZ" composé de 2 dalles 3D full HD imbriquées permet de visiter différents navires qui semblent jaillir de l'écran, grâce à un système de détection de mouvement de la tête de l'utilisateur. Autre équipement présenté au salon, le casque de réalité virtuelle "Oculus RIFT" permet de s'immerger complètement dans un environnement virtuel à l'échelle 1. Il permet ainsi de visiter les infrastructures bretonnes et quelques navires virtualisés à partir d'images 360°.

Anne-Marie Cuesta, déléguée générale de BPN explique "qu'en développant ces outils avec le CINQ, nous proposons à nos entreprises d'accéder à des technologies innovantes à coût très compétitif.  Elles pourront se former à l'outil et ensuite aller plus loin en faisant modéliser leurs navires, comme le font les grandes entreprises. Notre première idée est d'en faire une aide à la commercialisation. Mais cela intéresse aussi énormément les Marines internationales qui y voient un outil de formation des équipages et de découverte de l'environnement du navire bien en amont de la réalisation d'un navire et un outil qui leur permettra aussi de suivre le MCO ou la sécurité à bord... tout est possible ! La visite virtuelle de nos sites et de nos navires est un formidable outil de communication sur le salon. Nos entreprises sont en phase de découverte, de vulgarisation et de projection des multiples usages des outils numériques.  En accédant à ces réalisations, cela devient plus concret pour elles. BPN a toujours eu pour vocation première d'accompagner les entreprises vers la compétitivité. Aujourd'hui, la compétitivité passe par la transition numérique." 

Le numérique aux Assises de la mer
La question sera aussi présente aux Assises de l’économie maritime à La Rochelle le mercredi 9 novembre :  un atelier réunira autour du thème « Industries navales et solutions numériques »Francis Armengaud, Directeur général de Sofresid Engineering , Olivier Leteurtre,  directeur d’Eurowest,  Pascal Piriou, Président de Piriou, Vincent Seguin, Directeur opérationnel de Bureau Mauric et Matthieu de Tugny, Directeur de la division offshore de Bureau Veritas


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